Porter du noir lors d’un deuil cela a-t-il toujours été le cas ?

En Occident, le noir est synonyme de deuil. Pourtant, cette tradition n’a pas toujours été la norme en France et ne l’est pas ailleurs dans le monde. Si cette teinte austère s’est imposée comme l’expression ultime de la tristesse et de la perte, l’histoire de cette tradition révèle des évolutions sociales, culturelles, et religieuses fascinantes.

Une diversité de couleurs pour le deuil dans le monde

En parcourant le globe, il est frappant de constater que le noir n’est pas universellement associé au deuil. En Inde, par exemple, le blanc domine lors des cérémonies funéraires. J’ai eu l’occasion d’assister à un cortège funéraire lors de mon voyage là-bas, et j’ai été profondément marquée par l’atmosphère solennelle et sereine, où la blancheur des vêtements symbolisait la pureté et la libération de l’âme.

Au Japon également, le blanc est la couleur du deuil, tandis qu’en Chine, le rouge, souvent associé à la joie en Occident, est porté pour marquer les funérailles. En Iran, c’est le bleu, symbole de paix, qui domine. Et au Mexique, lors du fameux Dia de los Muertos, Des tenues colorées aux visages peints de couleurs éclatantes les cimetières sont envahis dans une célébration joyeuse de la vie des défunts.

En France, le noir ne s’est imposé qu’à partir du XVIIe siècle, mais ses origines remontent à Anne de Bretagne. En 1495, après la perte de son premier enfant, la reine choisit de porter du noir pour marquer son deuil. Ce choix, qu’elle réitère en 1498 après la mort de son époux Charles VIII, est inédit pour l’époque. Jusqu’alors, les reines de France optaient pour le blanc, couleur du deuil féminin au Moyen Âge.

Le noir qu’Anne de Bretagne adopte est inspiré des vêtements austères des paysans bretons. Cependant, cette teinte reste réservée à la noblesse, car sa teinture coûte cher et demande une technique particulière. Ce n’est qu’avec l’augmentation de la production de colorants noirs et sous l’influence du puritanisme catholique que cette couleur devient plus accessible et se généralise à partir du XVIIe siècle.

Une perception culturelle et religieuse

L’association du noir avec la mort est cependant bien antérieure à Anne de Bretagne. Dans l’Antiquité romaine, les magistrats portaient déjà des vêtements sombres lors de rites funéraires. Plus loin encore, au Néolithique, le noir était perçu comme une couleur fertile, liée à la terre et au cycle de la vie et de la mort.

C’est l’Église catholique qui a profondément modifié cette perception. En Occident, elle a donné au noir une connotation négative, en l’associant au péché, à la mort, et au diable. Le noir est opposé à la lumière, symbole du divin, dans l’imaginaire biblique. Cette charge symbolique a contribué à en faire la couleur du deuil dans les sociétés occidentales.
Des traditions en évolution

Si le noir reste la couleur majoritaire des funérailles en France, il n’est plus systématique. Dans une société où les rites funéraires se diversifient, certaines familles choisissent des couleurs plus personnelles ou plus joyeuses pour rendre hommage à leurs proches. Cette tendance reflète une volonté de célébrer la vie plutôt que de s’attarder sur la perte.
Conclusion : Une tradition en mouvement

La couleur du deuil est profondément liée aux contextes culturels, religieux, et historiques. En France, le noir a une longue histoire, mais il n’est qu’un symbole parmi d’autres à travers le monde. Mon expérience en Inde m’a appris que chaque tradition a une beauté et une signification propres. Le noir n’est ni universel ni immuable : il reste un langage évolutif, une manière parmi d’autres d’exprimer la mémoire des défunts.

Et vous, quelle couleur choisiriez-vous pour honorer vos êtres chers ?